LA SECURITE EN JUDO DANS LA PRATIQUE SCOLAIRE
1. Adapter les
situations de combat et les « prises de risque » aux possibilités
du moment des élèves
2. Mettre en place un « état d’esprit »
3. Des principes à mettre en œuvre
4. Des apprentissages spécifiques de technique de chutes
5. Exemple de progression et de situations d’apprentissage de la chute
Préambule
:
Les programmes collège et lycée insistent sur la volonté
d’aboutir par étapes en fin de scolarité à un combat
(en lutte, judo) debout arbitré avec projection et enchaînement
au sol (situation d’évaluation proposée au baccalauréat).
L’intérêt de la pratique scolaire du combat de préhension
est de mettre l’élève en situation de vaincre, sans nuire
à son adversaire, en assurant l’intégrité physique
des deux combattants.
Une réflexion sur les conditions de sécurité à mettre
en place s’impose.
Elle conditionne d’indispensable choix didactiques et pédagogiques
.
Pour l’enseignant, il s’agit de mettre en œuvre un dispositif
adapté aux caractéristiques des élèves puis de le
transformer en fonction de leurs progrès et des nouvelles exigences auxquelles
ils doivent faire face.
Cette réflexion ne peut être abordée indépendamment
et pour elle-même mais en relation avec les compétences visées
« faire chuter sans risque» notamment.
L’apprentissage de la chute ne fera pas l’objet d’une séance
proprement dite mais fera l’objet d’un apprentissage filé
incontournable tout au long du cycle, ce travail pourra prendre des formes diverses
(statique, dynamique, seul ou en duo, en faisant varier l’initiative de
la chute de Uke à Tori).
Notre définition du savoir chuter : Cette compétence,« chuter et faire chuter sans risque », ne peut être considérée comme acquise que dans un contexte d’opposition véritable, où les combattants n’ont pas prévu de chuter et où il y a présence d’ incertitudes temporelle et spatiale.
Introduction : Nos propositions s’organisent selon quatre pré requis indissociables procédant du plus général (transposable à d’autres APS enseignées), au plus spécifique de la pratique du judo. A chaque pré requis, une définition partielle est proposée du « combattre en sécurité ». Enfin, nous conclurons cet article par des propositions de mises en œuvre concrètes.
1. ADAPTER
LES SITUATIONS DE COMBAT ET LES « PRISES DE RISQUE » AUX POSSIBILITES
DU MOMENT DES ELEVES
DEFINITION : « ETRE EN SECURITE, C’EST PRATIQUER UN COMBAT ADAPTE
»
A un premier niveau d’enseignement la pratique du judo est organisée
sous la forme :
· Combat au sol
· Combat à mi-genoux
· Opposition debout sans projection (sous forme de sumo avec la consigne
de faire sortir l’adversaire du cercle)
· Projections debout sans opposition
L’étape du combat debout sera envisagée dans un deuxième
temps d’apprentissage plus ou moins long en fonction des caractéristiques
et des progrès des élèves.
2. METTRE EN PLACE UN « ETAT D’ESPRIT » :
DEFINITION : « ETRE EN SECURITE, C’EST « COMBATTRE ET RESPECTER SON ADVERSAIRE AINSI QUE LES REGLES DU COMBAT »
L’enseignant
:
· Veillera et Indiquera systématiquement aux élèves
que le respect de l’autre est premier : ne rien faire qui risque de lui
faire mal ou de l’humilier.
· Installera un climat d’apprentissage centré sur la recherche
de « maîtrise » plutôt que sur la seule « performance
» : « je combats pour apprendre, progresser et tester les techniques
et tactiques enseignées », c’est donc d’abord moi-même
que je mets à l’épreuve.
· Fera vivre aux élèves les différentes formes et
degrés d’opposition : de la relation partenaire à la relation
d’opposition complète en passant par l’opposition dans les
rôles (attaquant / défenseur).
· Confrontera l’élève, par des mises en situation
d’arbitrage, à la connaissance des règles essentielles du
combat et à la nécessité d’intervenir pour préserver
la sécurité des partenaires (couples qui se rapprochent ou risquent
de sortir de la surface de combat….).
· Insistera sur l’importance d’une attitude souple pour privilégier
le déplacement, l’esquive, l’attaque, et ainsi limiter les
attitudes trop défensives. « Il faut accepter la chute »,
ce n’est pas grave de tomber. Parallèlement il nous semble primordial
d’établir des règles d’arbitrage sanctionnant la non
combativité, et d’interdire les contres en scolaire.
· Définira le judo sous l’angle d’un duel physique
mais où il faut combattre « avec la tête ». La victoire
s’obtient davantage en feintant, construisant des attaques, qu’en
force. La notion de « se servir de la force de l’autre » devient
donc centrale.
· Maîtrisera les conséquences de la prise en compte de la
performance qui peut conduire les élèves à rechercher la
victoire « à tout prix » pour se valoriser et faire face
à leurs exigences scolaires.
· Retardera la prise en compte de la valeur
des projections (En judo, la projection sur le dos avec force et vitesse
est supérieure par exemple à la projection sur le côté).
Dans le contexte scolaire et jusqu’à ce que les chutes soient bien
maîtrisées : Une chute = un point.
· Privilégiera le choix plutôt que l’imposition des
partenaires chaque fois qu’une étape est franchie dans le risque
potentiel du combat : exemple du passage du combat à mi-genoux au combat
debout avec opposition modérée.
· Mettra en place un code « d’arrêt d’urgence
»Chacun peut à tout moment interrompre le combat en frappant au
sol ou sur le partenaire avec la main.
· Proscrira les gestes interdits : coups, main sur le visage, fauchage
avec le talon, coup sur le tibia par exemple.
3. DES
PRINCIPES A METTRE EN ŒUVRE
DEFINITION : « ETRE EN SECURITE C’EST ACQUERIR LES PRINCIPES FONDAMENTAUX
» Exemple à partir de l’article de B MERY
Revue EPS 297
Sécurité active :
Quand je chute : | · La tête ne doit pas toucher le sol ( enroulement menton poitrine) · Se tenir au revers de Tori (ne jamais le lâcher, c’est ma sécurité) On tient jusqu’au bout comme on le ferait pour une corde en escalade. · Uke ne doit cependant pas s’accrocher au partenaire qui le projette mais accepter la chute sur une attaque portée efficace. Ne pas poser la main au sol ou le coude ou la tête ou l’épaule, ou tomber en pont en opposition à la chute. · Frapper fort le sol avec le bras libre pour amortir l’onde de choc et soulager ainsi la colonne vertébrale |
Quand je fais chuter : | · Lors de la projection, je conserve mon équilibre et je reste sur mes pieds. (Les corps se séparent). · j’attaque toujours du côté où je tiens la manche : · Pour retenir Uke à son arrivée au sol, je ne lâche jamais la manche de mon partenaire, (je suis responsable de sa sécurité) (système de double frein). · pour assurer un déséquilibre efficace de Uke· Pour éviter que Uke ne pose le bras libre au sol (et se blesse) |
Quand j’attaque : | · ne jamais prendre la tête seule, mais saisir le col de kimono· Rester debout quand je fais chuter pour ne pas retomber sur Uke· Ne jamais donner de coup |
Sécurité passive :
· Protéger au maximum le tour de la surface de combat.· Pour l’apprentissage des techniques, possibilité d’utiliser des tapis épais de « GYM » pour faciliter l’engagement des élèves. |
4. DES APPRENTISSAGES SPECIFIQUES DE TECHNIQUE DE CHUTES :
DEFINITION : «
ETRE EN SECURITE, C’EST ADAPTER SA MOTRICITE LORS DES PROJECTIONS»
Dans la mesure où la compétence des programmes met en avant l’imbrication
des 2 éléments du duo dans la construction du « savoir chuter
et faire chuter sans risque » nous considérons que le travail à
2 doit être privilégié le plus rapidement possible :
La chute n’est pas abordée indépendamment du partenaire,
on met rapidement en relation la chute et la projection qui la provoque.
L’objectif des situations d’apprentissage proposées est de permettre par étapes à l’élève : de mettre en place une motricité efficace et construire des repères lui permettant de maîtriser sa tonicité et sa position d’arrivée au sol.
La systématisation
de ce travail et son automatisation doit permettre de passer d’une chute
en « sécurité » à une chute « confortable
».
Les élèves apprennent à chuter et faire chuter, avec de
plus en plus : de vitesse, d’amplitude, d’incertitude et d’opposition,
de façon systématique, dès le début du cycle d’enseignement
et quel que soit leur niveau.
5. EXEMPLE
DE PROGRESSION ET DE SITUATIONS D’APPRENTISSAGE DE LA CHUTE :
Paramètres permettant la simplification / complexification des situations
pour accéder au savoir chuter :
de |
à |
Certitude |
Incertitude |
Statique |
Déplacement |
Partenaire |
Adversaire |
Choisit |
Subit |
Unidirectionnel |
Multidirectionnel |
5.1. CE QUI CARACTERISE LA POSITION FINALE DE CHUTE :
Description de la position d’arrivée :
Sur le côté, une épaule décollée, menton poitrine une main qui tient le col de Kimono de l’attaquant bras tendu, une main qui frappe à plat au sol (paume de main vers le sol), les jambes sont légèrement fléchies les plantes de pieds orientées vers le sol.
Les défauts typiques à corriger :
Uke |
Tori |
Lâche le revers du partenaire (frein) Chercher à prendre appui sur le tapis avec le coude ou la main libre pour amortir la chute. Frappe avec le dos de la main. Frappe des talons Manque de tonicité à l’impact Relâche les muscles du cou et laisse partir la tête en arrière |
Lâche le contrôle et le partenaire Tombe en même temps que Uke (Défauts dans le cadre scolaire)
|
Paramètres à faire varier pour aller vers le savoir chuter :
Varier :
- la hauteur de
chute,
- la direction de la chute,
- le rapport d’opposition (du partenariat à l’opposition).
5.2. NOTRE PROGRESSION :
5.2.1. SITUATIONS DE RENVERSEMENT ET D’ARRIVEE AU SOL SANS PARTENAIRE.
Privilégier tout d’abord à l’échauffement des situations non spécifiques de l’activité combat (CF gym) : pour remettre en cause l’équilibre habituel vertical en roulant au sol.
5.2.2. SITUATION POUR APPRENDRE A CHUTER SEUL EN ARRIERE:
Départ en position assise, enroulement vertébrale en frappant le sol avec la paume de main, conserver le menton à la poitrine.
Evolution :
Augmenter la hauteur de chute pour faire varier la vitesse et l’amplitude de la chute :
- Même chose de la position accroupie.
- Idem de la position debout. voir vidéo (wmv 162 ko)5.2.3. SITUATION DE CHUTE AVEC PARTENAIRE :
Permet de bien cerner les relations entre partenaires. La notion de respect, l’explicitation des règles de fonctionnement du couple(duo) seront le centre de nos préoccupations
Exemple de situations :5.2.3.1. RENVERSEMENT LATERAL :
Enroulement latéral : consignes techniques : Uke doit venir coller l’oreille à l’omoplate de son partenaire
Sous forme d’éducatif (exercice de la tondeuse) :
Uke en position de pompe, Tori sur le côté de Uke, saisit le bras opposé de Tori et tire dessus pour provoquer l’enroulement longitudinal. voir vidéo wmv 96 ko· Evolution 1 : Augmenter la vitesse de rotation,
· Evolution 2 : augmentation de l’incertitude
Uke en position de pompe, Tori face à lui choisit le lui retirer 1 appui main de son choix pour le faire rouler sur le côté.( Uke ne sait pas quel appui va être supprimé.)· Evolution 3 : augmentation du degré d’opposition
Sous forme d’opposition ludique : Les 2 adversaires sont face à face en position de pompe, essayer de supprimer les appuis mains au sol pour faire chuter le partenaire. voir vidéo wmv 227 ko5.2.3.2. CHUTER SUR L’ARRIERE :
EXEMPLE DE SITUATIONS :
Uke assis sur Tori et tient le col de celui-ci Uke chute en arrière de Tori et utilise le col du partenaire pour ralentir la chute. |
voir vidéo 113 ko |
Un partenaire debout qui maintient les mains de celui qui chute. | voir vidéo 109 ko |
A 2 Tori tient les mains de UkeCelui-ci accepte de se déséquilibrer en arrière Tori lache les mains | voir vidéo 91 ko |
Uke chute en arrière
Evolution 1 : Les 2 partenaires chutent en miroir |
voir vidéo 113 ko |
Evolution 2: Augmentation de l’initiative de Tori. Pour aller vers une augmentation de la confiance accordée à Tori dans le couple. |
voir video 1 104 ko voir video 2 157 ko voir video 3 157 ko |
Evolution 3 : Augmentation de l’opposition : Combat de coqs |
voir vidéo 183 ko |
5.2.3.3. CHUTER SUR DES ACTIONS TECHNIQUES DE TORI :
- Chuter de la position mi hauteur : Tori debout , Uke mi genoux
Cf : consignes de sécurité, les interdits de la situation Mi genoux
Vers l’arrière :O soto Gari, Ko uchi Gari, O uchi Gari (si changement de garde)
Vers l’avant : Tai otoshi, O goshi, Iza guruma (si changement de garde.)
Evolution du degré d’opposition : De la relation partenaire à la relation Attaquant / Défenseur puis vers l’opposition complète (Sumo mi genoux)
- Chuter de la position debout : Vers un apprentissage de la chute provoquée.
Illustre le travail simultané de 2 compétences : Chuter sans risque et projeter l’adversaire de façon varié
Uke perpendiculaire à Tori (Double frein)
Le double frein semble être le contenu d’enseignement central dans l’acquisition de la compétence : « savoir chuter et faire chuter sans risque ». En effet, ce système de co-sécurité (similitude avec le grimpeur et l’assureur en escalade) et un principe qui permettra dans une situation de combat réel de préserver l’intégrité physique des deux combattants.
Contenu :
Uke tient le revers de Tori
Tori tient la manche de Uke (prise de garde inversée)Système du double frein : « Je retiens Uke et Uke se retient à TORI »
Chuter et faire chuter latéralement sur balayage
Evolution : de la chute laissée à l’initiative de Uke à la chute initiée par un déplacement latéral de Tori.
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Faire chuter vers l'avant Uki Otoshi voir vidéo 3 131 ko
Chuter et faire chuter vers l’avant et l’arrière sur un déplacement en translation:
Exemples de situations :Exercices de couloirs :
Déplacements à l’initiative de UKE : sur pousser ou tirer de Uke voir vidéo 104 koDéplacement à l’initiative de Tori : sur pousser ou tirer de Tori
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voir vidéo 2 157 ko
voir vidéo 3 140 ko
Autres situations possibles :
o Uke se déplace les pieds à l’intérieur d’un couloir
o Uke se déplace les pieds à l’extérieur du couloir
Evolutions :
o De la relation partenaire
o A la relation attaquant / défenseur
o Vers la relation duel
Chuter et faire chuter sur un déplacement en rotation:
Situations :Exercice du cercle :
Tori sur une île, Uke se déplacer en pas chassés autour.
Tori adapte son déplacement pour faire chuter Uke. voir vidéo 214 ko
Exercice de l’île :
Uke doit conserver un pied dans un espace délimité.
Tori se déplace autour de lui pour faire chuter Uke. voir vidéo 104 koEvolutions :
- De la relation partenaire
- A la relation attaquant / défenseur
- Vers la relation duelleExemple de situations d’opposition :
Sumo debout (tous les axes d’attaques deviennent possibles et cet exercice met en exergue l’utilisation des réactions de l’adversaire dans le choix de la direction de l’attaque)
Principe d’action / réaction à « Se servir de la force de l’autre » voir vidéo 118 ko